30 janvier 2020 Non Par Christofle Erion
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La procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique

analyse du décret 2019-1593

Faisant suite à la Loi 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le Décret 2019-1593 publié le 1er janvier 2020 vient détailler la procédure réglementaire à suivre pour mettre en action l’acte de rupture conventionnelle entre l’agent public et son autorité de recrutement.

Vous consulterez au préalable notre article sur la loi de transformation de la fonction publique [ ici ].

Quand ?

Le dispositif de rupture conventionnelle entre en vigueur le 1er janvier 2020 et pour une période expérimentale de six années, soit s’étendant jusqu’au 31 décembre 2025 inclus.

Qui est concerné ?

Sont concernés les fonctionnaires et les contractuels (contrat à durée indéterminée) des trois versants de la fonction publique ainsi que les ouvriers de l’État et les praticiens des établissements publics de santé.

o les agents de la Fonction Publique d’État (FPE)

o les agents de la Fonction Publique Hospitalière (FPH)

o les agents de la Fonction Publique Territoriale (FPT)

o les personnels affiliés au régime de retraite institué en application du Décret 2004-1056 du 5 octobre 2004 (ouvriers des établissements industriels de l’État)

o les praticiens en Contrat à Durée Indéterminée (CDI) relevant de l’Article L6152-1 du Code de santé publique

 

Qui n'est pas concerné ?

Ne sont pas concernés et ne peuvent prétendre à une rupture conventionnelle :

o les agents en Contrat à Durée Déterminée (CDD)

o les agents en période d’essai

o les agents licenciés ou démissionnant

o les agents ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et justifiant d’une durée d’assurance (tous régimes confondus) égale à la durée d’assurance exigée pour obtenir la liquidation d’une pension de retraite au taux plein du régime social de sécurité sociale

Pour quel but ?

Le Décret 2019-1593 a pour but de permettre à un agent public de mettre fin à son contrat et ses fonctions en quittant définitivement son administration (autorité de recrutement).

Une administration différemment dénommée

Tout d’abord il convient d’apporter quelques précisions quand à la procédure à suivre pour mettre en oeuvre une rupture conventionnelle.

Le Décret 2019-1593 mentionne différemment l’administration selon le type de fonction publique concernée.

Ainsi pour la fonction publique d’État, le décret la désigne sous la dénomination de “l’administration”.

Pour la fonction publique territoriale elle est dénommée “autorité territoriale”.

Pour la fonction publique hospitalière elle est dénommée “autorité investie du pouvoir de nomination, ou son représentant”.

Pour les praticiens elle est dénommée “établissement”.

Pour faciliter notre analyse, dans le détail de la procédure que vous trouverez ci-après, “administration”, “autorité territoriale”, “autorité investie du pouvoir de nomination ou son représentant”, “établissement” nous utiliserons la dénomination “autorité de recrutement“.

De même que pour désigner la hiérarchie de l’agent (“autorité hiérarchique”, “autorité territoriale”, “autorité investie du pouvoir de nomination ou son représentant”, “directeur de l’établissement ou son représentant”) nous utiliserons la dénomination “autorité hiérarchique“.

Une procédure précise

La rupture conventionnelle peut être engagée à la demande de l’agent ou à la demande de son autorité de recrutement. La nature contractuelle de la procédure de rupture conventionnelle a été réaffirmée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2020-860 QPC du 15 octobre 2020.

Étape 1

Le demandeur informe l’autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre signature.

=> lorsque la demande émane de l’agent, la lettre est adressée -au choix de l’intéressé- au service des ressources humaines ou à l’autorité de recrutement.

Étape 2

Un entretien se tient à une date fixée au moins dix jours francs, et au plus tard un mois, après la réception de cette lettre.

=> l’entretien est mené par l’autorité hiérarchique dont relève l’agent

=> initialement, le Décret 2019-1593 donnait à l’agent la possibilité de se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix pour peu que cette dernière disposait d’au moins un siège au comité social de l’autorité de recrutement dont dépend l’agent. Dans ce cas, le conseiller de l’agent est tenu à une obligation de confidentialité à l’égard des informations relatives aux situations individuelles auxquelles il a accès. Pour les fonctions publiques hospitalière et territoriale, à défaut de représentant du personnel relevant d’organisations syndicales représentatives au sein du comité social (territorial/de l’établissement), l’agent pouvait se faire assister par un conseiller syndical de son choix tenu aux mêmes obligations de confidentialité indiquées ci-plus haut. Néanmoins, le 15 octobre 2020, le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2020-860 QPC affirme que tout fonctionnaire peut être assisté par l’organisation syndicale de son choix, qu’elle soit représentative ou non

=> il peut être organisé, le cas échéant, d’autres entretiens

=> le ou les entretiens portent principalement sur :

  • les motifs de la demande et le principe de la rupture conventionnelle
  • la fixation de la date de la fin du contrat, à ceci près que cette date interviendra au plus tôt un jour après la fin du délai de rétractation (voir plus bas)
  • le montant envisagé de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue aux articles dédiés du Décret 2019-1593  (voir plus bas)
  • les conséquences de la rupture conventionnelle, notamment 1° le bénéfice de l’assurance chômage, 2° les conditions de l’obligation de remboursement prévue aux articles dédiés du Décret 2019-1593 , 3° le respect des obligations déontologiques prévues aux articles dédiés de la Loi du 13 juillet 1983 et à l’Article 432-13 du Code pénal.

Étape 3

=> la convention est établie selon le modèle défini par arrêté JORF 0036 du ministre chargé de la fonction publique daté du 6 février 2020 et publié le 12 février 2020 au Journal Officiel.

=> la convention est signée au moins quinze jours après le dernier entretien et à une date arrêtée par l’autorité dont relève l’agent

=> chaque partie reçoit un exemplaire de cette convention et une copie est versée au dossier individuel de l’agent

=> chacune des deux parties dispose d’un droit de rétractation pouvant être exercé dans les quinze jours francs à partir du lendemain de la signature de la convention, et sous la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception (ou remise en main propre contre signature)

=> le contrat de l’agent prend fin à la date prévue dans la convention dès lors qu’aucune des deux parties n’exerce son droit de rétraction dans les délais indiqués ci-avant

Des conséquences

Le fonctionnaire est radié des cadres, c’est-à-dire qu’il ne fait plus partie de la Fonction Publique.

Des allocations chômage

L’agent ayant signé la convention de rupture peut percevoir les allocations chômage, et plus particulièrement l’Aide au Retour à l’Emploi (ARE)  s’il remplit les conditions d’attribution.

Un remboursement obligatoire

Le fonctionnaire ou contractuel en CDI radié peut de nouveau être recruté dans l’administration mais s’il l’est dans un délai de moins de six années à compter de la radiation il devra rembourser intégralement les sommes qu’il a perçues lors de la rupture conventionnelle telles que défini à l’Article 72 de la loi du 6 août 2019

=> Pour les agents de la Fonction Publique d’État, le remboursement se fera à l’État

=> Pour les agents de la Fonction Publique Territoriale, le remboursement se fera auprès de la collectivité quittée

=> Pour les agents de la Fonction Publique Hospitalière, le remboursement se fera auprès de l’établissement quitté

 

S’il n’a pas perçu d’indemnités de rupture conventionnelle il produira alors une attestation sur l’honneur indiquant ce fait.

Des dispositifs indemnitaires

Le Décret 2019-1596 fixe les règles relatives aux indemnités spécifiques de rupture conventionnelle, et fixe un montant plafond à celles-ci.

Ce décret abroge l’indemnité de départ volontaire pour création ou reprise d’entreprise ou pour projet personnel qui était en vigueur.

En application de l’article 72 de la Loi 2019-828 du 6 août 2019 le montant de l’indemnité ne peut être inférieur aux montants suivants :

=> un quart d’un mois de rémunération brut par année d’ancienneté, jusqu’à 10 ans effectifs

=> deux cinquième de mois de rémunération brute par année d’ancienneté, à partir de 10 ans et jusqu’à 15 ans effectifs

=> un demi mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de 15 ans et jusqu’à 20 ans

=> trois cinquième de mois de rémunération brute par année d’ancienneté, à partir de 20 ans et jusqu’à 24 ans effectifs

Le montant maximum de l’indemnité ne peut excéder un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l’agent, par année d’ancienneté, dans la limite de 24 années d’ancienneté.

Rémunération brute ??

Est prise en compte la rémunération brute annuelle perçue par l’agent l’année précédant celle de la date d’effet de la rupture conventionnelle. Ainsi, l’agent en situation de disponibilité l’année N-1 de sa demande de rupture conventionnelle ne pourra prétendre à une indemnité puisque sa rémunération aura été de zéro euro.

=> Sont inclus l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement, la nouvelle bonification indiciaire, les autres primes et indemnités qui ne sont pas précisées ci-après.

=> Sont exclus les remboursements de frais, les majorations et indexations liées à une affectation Outre-mer, l’indemnité de résidence à l’étranger, les primes et indemnités de changement de résidence, de primo-affectation liées à la mobilité géographique et aux restructurations, les indemnités d’enseignement ou de jury et autres indemnités non directement liées à l’emploi.

Une simulation ?

Pierre, adjoint technique depuis 7 ans

Le montant de la rémunération brute de Pierre, hors primes et toutes indemnités particulières (qu’il convient d’ajouter), s’élève à 1 546,39 €.

L’indemnité de rupture sera pour lui de :

1546,39 / 4 = 386,5975 x 7

Pierre, adjoint technique depuis 13 ans

Le montant de la rémunération brute de Pierre, hors primes et toutes indemnités particulières (qu’il convient d’ajouter), s’élève à 1583,88 €.

L’indemnité de rupture sera pour lui de :

1583,88 / 5 = 316,776 x 2 = 633,552 x 13

Pierre, adjoint technique depuis 18 ans

Le montant de la rémunération brute de Pierre, hors primes et toutes indemnités particulières (qu’il convient d’ajouter), s’élève à 1621,36 €.

L’indemnité de rupture sera pour lui de :

1621,36 / 2 = 810,68 x 18

Pierre, adjoint technique depuis 21 ans

Le montant de la rémunération brute de Pierre, hors primes et toutes indemnités particulières (qu’il convient d’ajouter), s’élève à 1 668,22 €.

L’indemnité de rupture sera pour lui de :

1 668,22 / 5 = 333,644 x 3 = 1000,932 x 21

Imposition, exonération

Contribution Sociale Généralisée (CSG)

L’indemnité de rupture conventionnelle :

=> est exonérée de CSG si son montant est inférieur à 82.272 euros

=> est soumis à la CSG à hauteur de 98,25% de son montant s’il se situe entre 82.272 euros et 411.360 euros

=> est soumis à la CSG à hauteur de 100% de son montant s’il se situe au-delà de 411.360 euros

 

Impôts sur le revenu

L’indemnité de rupture conventionnelle :

=> est exonérée d’imposition si son montant est inférieur à 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par l’agent au cours de l’année précédent celle de la rupture conventionnelle

=> est imposable à 50% si son montant est supérieur à 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par l’agent au cours de l’année précédant celle de la rupture conventionnelle, et inférieur à 243.144 euros

=> est imposable à 100% du montant prévu par la loi si son montant est isupérieur à 243.144 euros

En conclusion, cette expérimentation de rupture conventionnelle viendra en solution adéquate pour tout agent souhaitant quitter la fonction publique mais ne saura être un moyen d’être véritablement accompagné financièrement tant les indemnités prévues ne sauraient être suffisantes pour permettre d’asseoir un nouveau projet professionnel entrepreneurial. Il convient à chaque agent concerné de bien réfléchir à la rupture conventionnelle et, pour s’y aider, à faire au préalable des simulations des indemnités auxquelles il peut prétendre.

Christofle Erion

dernière mise à jour : 13/11/2020

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